Programme PISE AUTISME

Projet

L'acronyme AUTISME du projet PISE signifie "Jacques a dit : repère et interprète les implicites !"

À ce jour, les professionnels de santé ne disposent d’aucun outil leur permettant d’évaluer la compréhension des implicites par les enfants avec autisme ; aucun dispositif pédagogique n’est disponible pour commencer à en acquérir la maîtrise. Le projet Pise AUTISME, grâce au soutien de CNRS Innovation, a pour finalité de mettre à la disposition de tous de tels outils qui contribueront à l’établissement d’une société plus inclusive où les individus pourvus ou non d’un handicap pourront collaborer en ayant chacun leurs compétences.

Conçu pour lutter contre les inégalités éducatives dès l’école primaire, ce projet a pour visée de proposer aux élèves avec autisme sans déficit intellectuel des jeux de remédiation leur permettant d’apprendre à détecter et à interpréter quatre types courants d’implicite : la présupposition, les implicatures, la métaphore et l’ironie. Les études en psycholinguistique ont en effet montré que ces types d’implicite pouvaient, dans des contextes favorables, être compris et même produits par des élèves normaux-typiques dès l’âge de cinq ans. Par contexte favorable, il faut entendre les routines journalières où l’enfant est par exemple habitué à ce qu’on lui lise une histoire, puis qu’il se lave les dents et qu’enfin il aille se coucher. Dans ce contexte, à l’injonction parentale : "Va te laver les dents !", un enfant de cinq ans est capable de répondre "Je n’ai pas sommeil". Il montre par cette réponse a priori non pertinente qu’il est capable de produire ce que les linguistes appellent une "implicature", c’est-à-dire un implicite lui permettant de signifier à ses parents qu’il n’a pas l’intention d’aller se laver les dents.

En soi, la compréhension des implicites constitue une difficulté pour tous les êtres humains (enfants et adultes normaux-typiques y compris), tout au cours de leur vie. Il est en effet fréquent de se questionner intérieurement pour déterminer a posteriori ce que l’autre a vraiment voulu nous dire et de rester indécis face à plusieurs interprétations possibles. De plus, situer ce que l’on veut véritablement dire dans la partie implicite de ce que nous exprimons est un phénomène langagier massif, si bien que de nombreux linguistes en sont venus à penser que nous ne parlons jamais littéralement.

Cette difficulté à repérer et à comprendre les implicites se révèle toutefois très accentuée pour les enfants et les adultes avec autisme (1% de la population) :  ceux-ci échouent dans la très grande majorité des cas à aller au-delà du sens littéral des dires et des textes pour produire des inférences leur donnant accès à ce que le locuteur (ou scripteur) veut réellement communiquer sans l’exprimer manifestement. Dans le récit autobiographique de Josef Schovanec (Schovanec, J., & Glorion, C., Je suis à l’Est ! Savant et autiste, un témoignage unique Plon, Poche, 2012), où celui-ci explicite les difficultés qu’il rencontre en tant qu’autiste dans sa vie sociale, figure l’exemple du contrôleur de train qui lui demande : "Est-ce que je peux voir votre billet ?" et auquel il répond : "Non, vous ne pouvez pas le voir, il est dans ma poche", faute de comprendre qu’il doit inférer à partir du verbe "voir" que le contrôleur lui demande implicitement de faire en sorte qu’il puisse voir son billet. Autant d’échecs de communication qui contribuent à entraver non seulement l’insertion sociale des personnes avec autisme tant à l’école (isolement, échec scolaire) qu’au travail (difficulté à être embauché), et qui mettent également à mal leur santé mentale (dépression due aux facteurs venant d’être mentionnés) (Rapport HAS 2023. Trouble du spectre de l’autisme (TAS) : intervention et parcours de vie de l’enfant et de l’adolescent. Recommandations pour la pratique clinique, en ligne).

Le projet CNRS Pise AUTISME permettra d’enseigner la compréhension des implicites le plus tôt possible aux élèves avec autisme afin qu’ils puissent conserver ce gain dans la maîtrise du langage lors de leurs années collège et lycée, ainsi que dans leur vie d’adulte. Il s’agira donc de s’adresser à des élèves âgés de 8-9 ans qui savent lire (mais qui ne sont pas forcément capables de s’exprimer oralement) et ce de façon ludique. Nous travaillons actuellement à l’élaboration d’un jeu de cartes qui pourra être joué individuellement ou en collaboration et qui permettra aux élèves de s’entraîner à décrypter les implicites les plus usités. De durée flexible, le jeu peut s’arrêter dès que 2 cartes sont gagnées si l’on dispose de peu de temps ou de 10 cartes lors d’un trajet en train ; l’enfant pourra jouer seul ou en compagnie. Le jeu comportera sur chacune de ses cartes une bande dessinée permettant à l’enfant d’avoir connaissance du contexte, suivie d’une question pour laquelle il devra choisir parmi trois réponses : celle correspondant à l’implicite, celle se rapportant au sens littéral et une réponse totalement fausse. Au dos de la carte figurera la réponse, immédiatement suivie de son explication très détaillée. La formulation des explications permettra petit à petit à l’enfant de généraliser à d’autres contextes ce qu’il a compris du type d’implicite qu’il est en train de traiter. Le jeu comportera trois niveaux donnant envie de progresser.
Le jeu sera d’abord testé, dans les pays francophones (France, Canada, Suisse, Belgique, Luxembourg…), auprès des professionnels de santé (pédopsychiatres, psychologues et orthophonistes) et dans les écoles accueillant des élèves avec autisme. Il sera ensuite diffusé à grande échelle dans tous ces pays lorsque les corrections des cartes problématiques auront été effectuées. Un des enjeux de ce premier jeu est qu’il puisse être transposable à un jeu en réalité virtuelle ou à un jeu sérieux afin que les parents d’enfants avec autisme puissent proposer à leur enfant de continuer leur apprentissage seul en jouant sur ordinateur.

Équipe

Responsable du projet : Béatrice Godart-Wendling (CNRS)

  • Claire Beyssade (Université Paris 8)
  • Lucie Broc (Université de Poitiers)
  • David Cohen (Service de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent de la Pitié Salpêtrière, Paris)
  • Stéphanie Durrleman (Université de Fribourg)
  • Natacha Dutch-Cordonier (Université de Sydney & Université de Neuchâtel)
  • Mathieu Frèrejouan (Université Paris 1)
  • Aude Laloi (Sorbonne Université)
  • Julie Lecas (Sorbonne Université)
  • Diana Mazzarella (Université de Neuchâtel)
  • Sophie Mead (Sorbonne Université)
  • Emmanuelle Périer (Sorbonne Université)
  • Nicolas Petit (Centre Hospitalier Le Vinatier, Lyon, Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon)
  • Bernard Philippon (Super Meeple)
  • Layla Raïd (Université de Picardie)
  • Laurent Roussarie (université Paris 8)
  • Gerhard Schaden (Université de Lille)
  • Jean Xavier (Centre hospitalier Henri Laborit de Poitiers)