Laboratoire d'accueil
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Chercheurs invités
L'ISJPS est heureux d'accueillir des chercheurs au sein de ses programmes de recherche.
Chercheurs actuellement accueillis
- De janvier 2024 à juin 2025, invité par Xavier Philippe (centre Sorbonne constitutions & libertés) : Newton Tavarès Filho, chercheur invité
- D'octobre 2024 à mars 2025, invitée par Marta Torre-Schaub (axe environnement) : Leticia Albuquerque, professeure (UFSC, Brésil)
- De septembre 2024 à février 2025, invité par Kathia Martin Chenut (centre de droit comparé et internationalisation du droit, IRP ALCOM – Contribution de l’Amérique latine à l’esquisse d’un droit commun) : Lucas Paulo Orlando de Oliveira, post-doctorant (Brésil)
- De septembre 2024 à février 2025, invitée par Xavier Philippe (centre Sorbonne constitutions & libertés) : Larisssa Suassuna, doctorante (Brésil)
- En novembre 2024, invitée par Christine Noiville (centre normes, sciences et techniques) et Florence Bellivier (IRJS) : Mariavittoria Catanzariti, professeure assistante de philosophie du droit (université de Padoue) et Research Fellow au Robert Schuman Centre for Advanced Studies, European University Institute
Chercheurs précédemment accueillis
- De février 2024 à juillet 2024, invitée par Marta Torre-Schaub (axe environnement) : Julia Lambert Gomes Ferraz, doctorante (Brésil)
- De janvier 2024 à juillet 2024, invitée par Kathia Martin Chenut (centre de droit comparé et internationalisation du droit, IRP ALCOM – Contribution de l’Amérique latine à l’esquisse d’un droit commun) : Carina Costa de Oliveira, professeure à la faculté de droit de Brasilia
- De janvier 2024 à mars 2024, invité par Isabelle Fouchard (centre de droit comparé et internationalisation du droit) : Sergio Grossi, chercheur à l'Universidad Complutense de Madrid (Espagne)
- De décembre 2023 à juin 2024, invitée par Jocelyn Benoist (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Débora Braulio Santos, professeure de philosophie de l'éducation à l'UFMG (Brésil)
- De décembre 2023 à mai 2024, invitée par Emmanuel Picavet (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Nilgün Tutal, chercheuse (Turquie)
- De décembre 2023 à février 2024, invité par Kathia Martin Chenut (centre de droit comparé et internationalisation du droit, IRP ALCOM – Contribution de l’Amérique latine à l’esquisse d’un droit commun) : Nitish Monebhurrun, professeur au centre universitaire de Brasilia
- De novembre 2023 à août 2024, invitée par Kathia Martin Chenut (axe RSE) : Muriele De Conto Boscatto, post-doctorante Capes-Cofecub (Brésil)
- De septembre 2023 à août 2024, invité par Diane Roman et Marie Garrau (axe genre) : Felipe Rodolfo de Carvalho, professeur de philosophie du droit à l'Université Fédérale du Mato Grosso (Brésil)
- De septembre 2023 à juillet 2024, invité par Pauline Nadrigny (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Alec Wood, doctorant à Yale (États-Unis)
- De septembre 2023 à juin 2024, invité par Magali Bessone (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : José Matheus Lira Da Silva, doctorant (Brésil)
- De septembre 2023 à février 2024, invité par Livia Holden (centre de droit comparé et internationalisation du droit) : Jordi Othon Angelo, doctorant (Brésil)
- centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Felipe Ribeiro, doctorant (Brésil) De juillet 2023 à juin 2024, invité par Isabelle Aubert (
- De juillet 2023 à mars 2024, invité par Magali Bessone (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Marcos Nobre, professeur (Brésil)
- centre Sorbonne constitutions & libertés) : Büsra Izci, doctorante (Turquie) De mai 2023 à avril 2024, invitée par Xavier Philippe (
- De février 2023 à janvier 2024, invitée par Emmanuel Picavet (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Jennifer Wells, groupe de travail LabEx Dynamite
- De février à juillet 2023, invitée par Kathia Martin Chenut (centre de droit comparé et internationalisation du droit, IRP ALCOM – Contribution de l’Amérique latine à l’esquisse d’un droit commun) : Amélia Sampaio Rossi, professeure (Panama)
- De janvier 2023 à janvier 2024, invité par Kathia Martin Chenut (centre de droit comparé et internationalisation du droit) : André Dias de Andreade, chercheur post-doctoral (Brésil)
- De septembre 2022 à août 2023, invitée par Emmanuel Picavet (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Han Xu, doctorante (Chine)
- De septembre 2022 à août 2023, invitée par Emmanuel Picavet (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Shenyang Pan, doctorante (Chine)
- Invité par Kathia Martin Chenut (centre de droit comparé et internationalisation du droit, IRP ALCOM – Contribution de l’Amérique latine à l’esquisse d’un droit commun) : Lucas de Oliveira, doctorant à UNISINOS (Brésil)
- D'avril à juin 2023, invitée par Emmanuel Picavet (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Zeynep Savasçin,enseignante-chercheuse en philosophie à l'université Galatasaray d'Istanbul (Turquie)
- D'avril à mai 2023, invité par Emmanuel Picavet (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Rarivomanantsoa Lalaharimino, professeur de philosophie à l’université d’Antananarive (Madagascar). Thème de recherche : l'éthique et le développement durable
- D'avril à mai 2023, invitée par Emmanuel Picavet (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Cécile Gagnon, doctorante en philosophie à l'Université de Montréal (Canada), membre associé de la chaire de recherche du Canada en éthique féministe. Thème de recherche : champ de la phénoménologie
- De février à mars 2023, invité par Xavier Philippe (centre Sorbonne constitutions & libertés) : Nicola d'Anza, doctorant à l'université de Pise (Italie). Thème de recherche : la responsabilité de l’État
- De décembre 2022 à janvier 2023, invité par Emmanuel Picavet (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Eric Pommier, professeur de philosophie à l'Université Pontificale du Chili, Santiago du Chili
- D'octobre à novembre 2022, invité par Xavier Dupré de Boulois (centre d'études et recherches sur l'administration publique) : Cristiano Giudice, doctorant (Italie)
- De septembre à décembre 2022, invité par Kathia Martin Chenut (centre de droit comparé et internationalisation du droit) : Emmanuel Olivas Pujol, étudiant à l’UNAM (Mexique)
- De septembre à novembre 2022, invité par Isabelle Fouchard (centre de droit comparé et internationalisation du droit) : Espoir Masamanki Iziri, doctorant à l'Université de Kinshasa (RDG)
- De janvier à juin 2022, invité par Kathia Martin Chenut (centre de droit comparé et internationalisation du droit, IRP ALCOM – Contribution de l’Amérique latine à l’esquisse d’un droit commun) : Sandro Gorski Silva, doctorant à l'Université Pontificale du Paraná (Brésil)
- De septembre 2021 à septembre 2022, invité par Emmanuel Picavet (centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne) : Cyril Hédouin, professeur à l'université de Reims-Champagne-Ardennes
- En 2021, invitée par Kathia Martin Chenut (centre de droit comparé et internationalisation du droit) : Victoria Patricia flores Lopez, université nationale autonome du Mexique
- En 2018, invité par Kathia Martin Chenut (centre de droit comparé et internationalisation du droit) : Renan Teles Campos de Carvalho, Université de São Paulo (Brésil)
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Délégation
L’ISJPS accueille en délégation des maîtres de conférences et des professeurs des universités.
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Eleonora Bottini
Eleonora BOTTINI est professeure agrégée de droit public, responsable de la création de la section française de l'International Society for Public Law ICON-S, en délégation de septembre 2023 à septembre 2025.
Les juges au cœur du pouvoir : cours suprêmes et matière électorale
Au début des années 1930, Kelsen et Schmitt se sont opposés sur la question de savoir qui doit être le gardien de la constitution, dans une célèbre controverse considérée comme fondatrice de la justice constitutionnelle en Europe. Depuis la diffusion du contrôle de constitutionnalité des normes dans la plupart des pays du monde, la « victoire » de Kelsen a été établie et le contrôle de la loi par les juges sur la base de la constitution n’est pratiquement plus remis en question. Bien plus controversé, en revanche, est la question de savoir qui doit être le gardien des élections, comme l’ont montré avec retentissement les élections présidentielles américaines de 2020. Le domaine des élections en démocratie est en apparence très distant de celui du contrôle juridictionnel : l’un relève du domaine politique par excellence, l’autre concerne l’application du droit positif par l’autorité judiciaire. Cette présentation dissimule en réalité une simplification excessive de la distinction entre droit et politique car les élections sont organisées par le droit autant que le reste de la vie en société, voire plus encore, étant donné l’importance des enjeux. Les élections se trouvent donc à la croisée des chemins entre le droit et la politique.Ce projet de recherche vise à éclairer la relation complexe en démocratie entre les juges suprêmes et la sphère électorale. Cette dernière a été investie de plus en plus dans les dernières années par certaines juridictions constitutionnelles, alors que la doctrine des questions politiques élaborée initialement par la Cour suprême des Etats-Unis avait prôné la déférence des cours envers les autres pouvoirs élus. La recherche se propose d’étudier cette évolution profonde de la démocratie « par le droit » dans une perspective théorique et comparée. Les questions qu'elles soulève concernent le rapport tridimensionnel entre cours et démocratie électorale, avant, pendant et après les élections : le contrôle juridictionnel des lois électorales et du mode de scrutin ; le contrôle juridictionnel du redécoupage électoral et des éventuelles tentatives de « gerrymandering » ; le contentieux des élections.
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Laurence Dubin
Laurence DUBIN est professeure de droit public à l'IREDIES, en délégation à l'ISJPS de septembre 2024 à septembre 2025.
Droit international et capitalisme. Essai de théorie(s) du droit international
Avec l’effondrement du récit néolibéral d’une mondialisation heureuse, les ouvrages sur le capitalisme et ses alternatives fleurissent en sciences sociales, on songe bien sûr ici au best seller de Thomas Piketty Capital au XXIe siècle mais surtout à son ouvrage Capital et idéologie. Au-delà de la mode, le capitalisme est bien sûr un objet monumental d’études pour les sciences sociales ; l’histoire, l’économie, la sociologie politique sont traversées par des écrits majeurs sur le capitalisme. Paradoxalement, en droit international, alors qu’il est le lieu de formulation des règles qui vont permettre au(x) capitalisme(s) de se mondialiser, on trouve peu d’ouvrages sur le capitalisme. Cet essai se veut donc apporter une réflexion personnelle et proposer un récit historique sur les relations entre le capitalisme et le droit international public, le droit international public étant envisagé à la fois comme un instrument d’expansion du capitalisme à l’échelle mondiale (Partie 1) et comme un espace de pensées et de réalisation des alternatives au(x) capitalisme(s) (Partie 2).
Cet essai qui s’inscrit dans une analyse critique du droit ne se veut aucunement prisonnier d’une préconception de ce que devrait être le capitalisme. Le capitalisme est juste pris pour ce qu’il est, à savoir un système de production assimilable à un processus historique spécifiquement fondé sur la recherche de l’accumulation du capital (voir Immanuel Wallerstein, Le Capitalisme historique, La Découverte, 2011). Si en tant que processus historique, le capitalisme possède des dimensions économiques, sociales, politiques et culturelles, il possède aussi une dimension juridique en ce sens qu’il existe des règles et des institutions internationales qui permettent de l’encastrer dans l’organisation de la cité et du monde. Pour prendre un exemple paroxystique, le droit international des investissements étrangers permet de protéger les droits des détenteurs de capitaux, les investisseurs, au nom des risques économiques qu’ils encourent en localisant leurs activités dans des États étrangers. Si cette protection leur est due en droit international, c’est parce que ces investisseurs encourent un risque économique en apportant leurs capitaux au soutien d’une opération localisée dans des États d’accueil étrangers, lesquels devront exercer leur souveraineté en respectant le droit de propriété des investisseurs étrangers. Mais, par-delà leur droit de propriété, les investisseurs pourront revendiquer la protection de leur droit à réaliser un profit et à accumuler du capital si ce dernier a été violé par un souverain local ; l’investisseur pourra être indemnisé par ce souverain - l’État d’accueil - s’il peut être établi – en droit – qu’il a exercé sa souveraineté en heurtant la jouissance de son droit de propriété mais aussi son manque à gagner (cas des expropriations directes et indirectes) ou ses attentes dites « légitimes » (au titre du standard du traitement juste et équitable). Si, la construction historique du droit international des investissements offre à voir l’enracinement du capitalisme dans l’organisation juridique des relations internationales macro-économiques, d’autres branches du droit non marchandes du droit international peuvent également être mobilisées pour éclairer les relations dialectiques entre le droit international et le capitalisme mondial. Le droit international des droits de l’Homme a, en effet, largement contribué à protéger le droit de propriété (que l’on peut considérer comme le premier des droits de l’homme et à la base d’une conception propriétariste des démocraties capitalistes du Nord) et à infuser une conception libérale et individualiste des droits de l’Homme reléguant les droits économiques et sociaux dans la catégorie des « pauvres droits », pour reprendre la célèbre formule de Jean Rivero.
Pour analyser le capitalisme et la façon dont le droit international a permis et permet son expansion, cet essai se veut étudier à la fois la pratique du droit international mais également les théories sous-jacentes qui déterminent sa production. Prisonnier d’aucune théorie, cet essai mobilisera toutes les théories utiles pour lever des présupposés et des non-dits du droit international. Pour reprendre l’exemple précédent du droit des investissements, il est symptomatique de constater que la doctrine française n’intègre que rarement le capitalisme comme le paradigme explicatif du droit des investissements là où il est beaucoup plus mobilisé dans les théories marxiennes ou les théories du Sud. Sans s’affilier au récit marxiste, cet essai mobilisera donc les études marxiennes et leurs « boites à outils » , notamment le couple capital/travail essentiel à la compréhension des déclinaisons néolibérales du capitalisme. Le néolibéralisme qui irrigue la construction des grandes institutions économiques internationales (le GATT, puis l’OMC et naturellement les Institutions financières internationales) a été très certainement un vecteur d’avènement de l’hyper-capitalisme ; en préconisant – sans le dire explicitement – un traitement juridique dualiste du couple capital/travail, le néolibéralisme (celui de Hayek notamment) a mis les institutions internationales au service de l’accumulation par les détenteurs des capitaux : alors que les capitaux et leur liberté de circulation sont protégés dans l’ordre international – voire transnational – les travailleurs voient leur statut prisonnier des ordres juridiques nationaux (lesquels sont mis en concurrence par des opérateurs économiques mobiles au gré de leurs intérêts et de la recherche de l’optimisation ). En plus des outils offerts par les études marxiennes, cet essai empruntera également leurs méthodes, notamment la méthode dialectique particulièrement utile pour mieux cerner les moments fondateurs de certaines institutions du droit international et les ruptures réelles ou possibles de paradigme(s) à travers l’histoire. À l’occasion de la rédaction d’un ouvrage collectif intitulé Droit international économique : vers un changement de paradigme ?, la méthode dialectique s’est avérée très féconde pour identifier les transformations profondes et l’abandon partiel du néolibéralisme. Sans doute, l’abandon du néolibéralisme par la première puissance mondiale (qui ne négocie plus de nouveaux accords de libre-échange mais des accords de partenariat destinés à créer des écosystèmes entre les États-Unis et des États amis, le fameux frienshoring) offre à penser une nouvelle déclinaison du capitalisme américain et du rôle du droit international économique pour permettre sa survie.
Mais plus fondamentalement, un moment de rupture s’offre à voir avec l’idéologie propriétariste et prédatrice de l’hyper-capitalisme où les ressources de la planète sont « manipulables ou exploitables à l’infini sous forme de marchandises ». La crise écologique voit ainsi fleurir des projets multiples d’alternatives aux modèles capitalistes financiarisés et extractivistes, ces projets (dont certains sont contemporains du déjà cinquantenaire rapport Meadows sur les limites de la croissance) abondent dans la littérature relative à l’écologie politique ou la sociologie politique.
Il reste que le capitalisme n’a pas dit son dernier mot et que le droit international peut être un allié dans son maintien sous de nouvelles déclinaisons. Même le capitalisme financier se verdit, il se déploie parfois comme une arme pour lutter contre une forme concurrente de capitalisme, le capitalisme d’État chinois parfaitement soluble dans les règles et le fonctionnement du système commercial multilatéral de l’OMC. Cette conflictualité de modèles capitalistes offre à voir une querelle d’impérialismes. Mais si l’impérialisme peut être envisagé comme une étape historique du capitalisme, il est probable que ni les États-Unis ni la Chine ne seront capables d’incarner une puissance impérialiste monopolistique dans la mesure où l’empire contemporain, par opposition à l’impérialisme, n’a ni centre ni frontière. Ainsi, dans leurs écrits postmarxistes, des auteurs comme Michael Hardt et Antonio Negri ont montré que le monde contemporain offre à voir un vaste éventail d’identités opérants à divers échelons et qui ont pris la place de la souveraineté étatique. Ce constat repose donc la question du statut des entreprises multinationales, de la protection de leurs droits de propriété et des limites qu’elles rencontrent en droit international à l’heure où les limites planétaires ont été franchies.
La figure de l’entreprise multinationale sur laquelle mes travaux se penchent depuis plus de vingt ans sera donc tout particulièrement interrogée dans cet essai. Elle est centrale dans l’analyse de ce que peut (encore ?) faire le droit international pour responsabiliser cet acteur fondamental du capitalisme mondial qu’est l’opérateur économique détenant les moyens de production et profitant de la division internationale de la société entre Etats-nations. Si certains auteurs du Sud, comme B.S. Chimni, affirment que « la classe capitaliste transnationale vise à établir un droit international et des institutions qui facilitent la mondialisation de la production et de la finance en internationalisant des droits de propriété et en limitant l’autonomie des États dépendants et dominés », il reste à voir si l’état présent du droit international ne protège que les intérêts de cette classe ou si sa dimension providentielle peut en faire un instrument de limitation ou de dépassement du capitalisme. Sans doute, la crise environnementale renouvelle l’analyse marxiste du capitalisme qui en tant que modèle d’accumulation engendre non seulement des inégalités sociales mais détruit les bases naturelles de la vie. Aussi, dans la lignée de mes travaux conduits depuis plus de vingt ans sur la responsabilité sociale des entreprises, cet essai se veut re-questionner la responsabilité sociale des entreprises (la RSE) et la compliance comme de possibles formes capitalistes de normativités économiques laissant aux opérateurs le soin de s’auto-réguler et de fixer leurs propres limites à l’hubris et à l’accumulation des profits. La force du capitalisme et sa capacité à intégrer les critiques qu’on lui porte s’expriment hypothétiquement dans ce que le droit international fait (ou ne fait pas) pour réguler les activités des entreprises multinationales. La même hypothèse peut être formulée à propos des développements normatifs relatifs au verdissement de la politique monétaire et financière au sein des systèmes financiers. Le principe central de neutralité impliquant que « les marchés constituent en eux-mêmes un mécanisme d’allocation optimale du capital, que l’action publique viendrait fatalement perturber », écorné à la suite de la crise des subprimes de 2008, peut-il être abandonné au profit du risque climatique ? Il conviendra donc de s’interroger sur la façon dont le risque climatique est appréhendé par le droit international monétaire et financier et si l’on doit voir dans ce concept le signe d’une transformation du capitalisme financier ou, à l’inverse, d’une récupération de la crise climatique par le capitalisme. En tout état de cause, il est frappant de constater que le risque climatique a fait son apparition dans l’appréciation du risque financier et donne lieu à l’adoption à l’échelle international de normes de soft law comme les Principles for Responsible Investment (PRI) adoptés en 2006 ou de réseaux comme le Net Zero Banking Alliance en 2021 afin d’orienter les portefeuilles des investisseurs vers la neutralité carbone d’ici 2050. Ces nouvelles formes de normativité douce participent assurément à l’analyse des relations dialectiques entre le droit international et le capitalisme financier.
Naturellement, au stade de ma réflexion, je ne peux qu’esquisser les questions et les réponses qui seront apportées par cet essai. Des pans entiers de la recherche en sciences sociales sur les alternatives au capitalisme doivent encore être exploités pour penser une théorie du droit international émancipatrice et elle aura à se confronter à trois tâches élémentaires définies par le sociologue américain Erik Olin Wright : « d’abord, élaborer un état des lieux systématique et une critique du monde tel qu’il est, ensuite, imaginer des alternatives viables, enfin, analyser les obstacles, les possibilités et les dilemmes de la transformation ».
Pour mener cette recherche, j’envisage deux séjours de recherche à l’étranger, en Amérique du Nord et en Inde (voir lettres d’invitation jointes) pour « dés-européo-centrer » mon regard en interrogeant le point de vue nord-américain et celui d’une puissance asiatique, l’Inde, dont les chercheurs en sciences sociales s’intéressent depuis de nombreuses années aux alternatives et à l’abandon du capitalisme. Ces séjours permettront d’organiser des ateliers avec des chercheurs nord-américains et indiens s’intéressant au capitalisme et/ou à ses alternatives, lesquelles ne sont évidemment pas envisagées de la même manière par « le » Nord ou « le » Sud mais doivent, pour autant, être mises en lien.
Divisé en deux parties, l’une sur le droit international du capitalisme et l’autre sur la régulation internationale du capitalisme, cet essai destiné aux universitaires, praticiens et étudiants de droit international, appréhendera, de manière dialectique, le capitalisme comme un processus historique mondial qui repose sur des institutions, des fictions et des normes du droit international public (Partie 1) dont le dépassement est nécessaire pour penser et organiser sinon ses alternatives, du moins sa régulation (Partie 2).
- Sandra Laugier
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Alexandrine Nedelec
Alexandrine NEDELEC est maîtresse de conférences en langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes, en délégation de septembre 2022 à mars 2025.
L’avènement de la justice reproductive ? Enquête sur l’émergence et la circulation d’un nouveau paradigme
L’hypothèse formulée au départ de ce projet de recherche est la suivante : dans les cercles féministes, qu’ils soient militants ou académiques, la prise en compte de la dimension politique des événements privés de la vie des femmes – qui sont traversés des mêmes rapports de subordination et de domination que la sphère publique (Delphy, Guillaumin) –, va de soi et n’est plus objet de débat. Émerge également depuis les années 2010 une réflexion autour du corps et de l’intime comme faisant l’objet d’une saisie politique exponentielle (Froidevaux-Metterie, 2015). Ainsi le combat victorieux pour la baisse de la TVA sur les protections hygiéniques, en France comme au Royaume-Uni, témoigne de ce que les revendications féministes en lien avec la corporéité la plus intime sont susceptibles d’un traitement politique. Les uns après les autres, les sujets tabous précisément parce qu’ils étaient considérés comme relevant de l’intimité (viol conjugal, violences obstétricales, précarité menstruelle, etc.) deviennent publics. Pour autant, en dépit de ces évolutions et d’une apparente libération de la parole privée et publique (#MeToo, tumblr féministes, collages contre les féminicides, etc.), l’expérience reproductive dans sa complexité semble souvent dépolitisée.
Le cadre théorique de la "reproductive justice", né aux États-Unis dans le milieu des années 1990, semble à même d’offrir des réponses à ces questions et sa circulation en Europe est de plus en plus importante, notamment au Royaume-Uni où la question de sa traduction ne se pose pas. Il s’agit donc avec ce travail de travailler la généalogie de ce cadre conceptuel et de tenter de cartographier ses usages Outre-Manche, à l’aide d’une enquête de terrain réalisée au printemps-été 2023 dans les sphères universitaires, médicales, politiques et militantes.
Précédentes délégations :
SUPIOT Elsa, professeure agrégée (septembre 2022-septembre 2024)
GARRAU Marie, maîtresse de conférences en philosophie sociale (septembre 2021-septembre 2022)
HÉDOIN Cyril, professeur des universités en sciences économiques (septembre 2021-septembre 2022)
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Eleonora Bottini
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Soutien à la mobilité internationale
L'ISJPS accueille des chercheurs invités, dans le cadre du soutien à la mobilité internationale proposé par l’Institut national des sciences humaines et sociales (InSHS).