L’importance de l’herméneutique pour Ricœur nous a fait sous-estimer le rôle de la phénoménologie dans sa pensée. Une lecture attentive de son œuvre montre qu’au contraire, lorsqu’il s’agit de l’imagination, Ricœur défend une perspective proprement phénoménologique. Celle-ci, esquissée par Ricoeur dans sa traduction française des Ideen I, met en avant la capacité de neutralisation de l’imagination et se révèlera indispensable à sa philosophie de la volonté des années 1950-1960. Mais c’est dans les années 1970 que Ricœur va développer une ontologie sociale, que Luz Ascarate met en dialogue avec la nouvelle génération de la Théorie critique, autour du concept d’utopie. Cette ontologie est fondée sur une phénoménologie de l’imagination approfondie dans des textes encore inédits. Dans ces textes, Ricœur montre que l’imagination est d’autant plus chargée d’implications ontologiques qu’elle est neutralisante et éloignée de la réalité empirique. Grâce au pouvoir ontologique de l’imagination pour la constitution de l’espace social, l’utopie peut constituer de nouvelles réalités sociales.