Cahiers Droit, Sciences & Technologies n° 10 | 2020
Les salles de consommation de drogue à moindre risque
Une loi du 26 janvier 2016 a autorisé l’expérimentation de salles de consommation de drogues à moindre risque (SCMR). Le but est de réduire les risques liés aux pratiques des usagers de drogues, au niveau de l'usager comme de la collectivité, en termes de santé publique comme d’ordre public. Inédit en France et très controversé, le dispositif, prévu pour une durée maximale de six ans, donnera lieu à une double évaluation scientifique afin notamment d’en déterminer la pérennisation. C’est dans ce cadre nouveau que deux espaces de ce type ont d’ores et déjà été ouverts à Paris et Strasbourg à l’automne 2016. La France rejoint ainsi un mouvement international qui s’affirme progressivement, notamment dans plusieurs de nos voisins européens et au Canada.
Cependant, cet approfondissement de la politique de réduction des risques en matière de drogues s’articule difficilement avec le modèle premier et dominant : le modèle prohibitionniste. Reposant notamment sur la liaison de la répression et de la médicalisation de la consommation de stupéfiants, celui-ci poursuit un objectif autrement radical : l’éradication des drogues.
La controverse ne se réduit pas à la confrontation des SCMR au modèle prohibitionniste. Les débats procèdent également de l’ambivalence intrinsèque du dispositif considéré. Présenté comme pragmatique et humaniste, le dispositif est autrement complexe : il peut être lu comme l’avatar d’une approche gestionnaire des problèmes sociaux.
Les SCMR posent donc des problèmes épineux que seule une approche pluridisciplinaire permet de poser. Parallèlement, elles sont au cœur de problématiques transversales qui les dépassent en même temps qu’elles les cristallisent. Les SCMR sont ainsi non seulement un objet de recherche mais encore un angle de recherche. Leur genèse retracée, ces deux logiques doivent être envisagées à plusieurs voix : sur et par les SCMR.
Faisant suite à un colloque pluridisciplinaire et international organisé dans cette perspective, à Rennes, les 7 et 8 novembre 2017, par l’UMR CNRS IODE, le présent dossier n’en est que l’écho partiel. Le choix a été fait de le concentrer sur les questions tenant aux principaux acteurs de la vie quotidienne d’une SCMR : intervenants en réduction des risques, usagers, riverains. Cette évocation est précédée de deux articles envisageant le dispositif de manière globale et suivie de trois contributions qui dépassent la seule question des SCMR pour, à partir d’elles, réfléchir à ce que peut vouloir dire (et faire), aujourd’hui, la notion d’autonomie.