Normativité environnementale face aux catastrophes climatiques. Les normes, l'information et la création
Programme
Vendredi 10 mai 2024, 16h-18h, salle 6 (centre Panthéon)
Jean-Sébastien Gharbi, Un argument anti-réductionniste en faveur de la rationalité procédurale
Jean-Sébastien Gharbi est maître de conférences à l'université de Reims-Champagne-Ardennes.
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, centre Panthéon
12 place du Panthéon, 75005 Paris
2e étage à droite par l’escalier M ou bien 3e étage par l’ascenseur
Pour les personnes extérieures aux universités Paris 1 et Paris 2, l'inscription est nécessaire au plus tard le 7 mai auprès des organisateurs : Emmanuel Picavet (Emmanuel.Picavet@univ-paris1.fr) et Mathilde Maurel (Mathilde.Maurel@univ-paris1.fr).
Au-delà de cette date, l’entrée sera possible sur rendez-vous à prévoir à l’entrée du bâtiment.
Date à déterminer
Séminaire organisé par le le groupe de travail NECC "Normativité environnementale face aux catastrophes climatiques" du LabEx DYNAMITE.(ISJPS et centre d'économie de la Sorbonne).
Précédentes séances
Jeudi 26 octobre 2023, 16h-18h, salle 13 (centre Lourcine)
Marie Chenet, Apports d'une démarche de recherche-création aux questionnements environnementaux
Marie Chenet est maîtresse de conférences à l'UFR de géographie de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle est membre du Laboratoire de Géographie Physique (UMR 8591 LGP). Elle travaille, entre autres, sur les relations Homme-Nature dans des contextes de changements environnementaux, par une démarche de recherche-création (réalisation de films documentaires, approches sonores). Elle s’intéresse particulièrement à la façon dont le partage du sensible et de l’émotion peut constituer une méthodologie de recherche.
Vendredi 10 novembre 2023, 16h-18h, salle 216 (centre Panthéon)
Pauline Nadrigny, La piste sonore : l’enregistrement de terrain face au changement climatique
Nous proposons, à partir de l’écoute et de l’étude de quelques cas emblématiques des arts sonores contemporains, de considérer comment des pratiques artistiques peuvent traiter à leur manière les enjeux environnementaux, et notamment climatiques. « À leur manière », c’est-à-dire par le biais d’une expérience esthétique qui rend perceptibles, au sens concret, des modifications qui ne sont pas toujours spectaculaires ; mais surtout par la piste sonore, sensible alternatif à la vision, et qui livre des informations spécifiques sur l’environnement. Chris Watson, Peter Cusack, Jana Winderen et Thomas Tilly, qui travaillent sur les notions de climat, mais aussi sur des lieux clés par leur exposition au changement climatique, seront au centre de cette présentation.
Vendredi 8 décembre 2023, 16h-18h, salle G607 (centre Sorbonne)
Nicolas Lainez, La photographie comme outil de recherche et de restitution des connaissances
Ce séminaire propose une introduction à l’usage de la photographie comme outil de production de données et de diffusion des connaissances scientifiques. Il offrira 1) un aperçu de l’anthropologie visuelle, 2) des usages de la photographie à des fins d’illustration, d’inventaire de pratiques, d’étude des transformations historique, de photo-élicitation interview, et d’exploration de la rencontre ethnographique par l’itinéraire photographique, et 3) et des méthodes de restitution sous forme de publication, d’exposition et de site multimédia & webdoc.
Nicolas Lainez est anthropologue et photographe. Après une licence en arts du spectacle, mention cinéma, et une année de stages au sein des agences Magnum, Vu, Rapho et AFP, il travaille pendant cinq ans comme photojournaliste pour l’agence LightRocket à Bangkok. Soucieux de dépasser les représentations victimaires dont il est prisonnier, il effectue une thèse en anthropologie sur les « carrières intimes » des femmes prostituées vietnamiennes. Ses recherches actuelles portent sur la financiarisation, le crédit, la dette, la migration, la traite et l’anthropologie visuelle. Il anime un pôle sur les écritures alternatives de la recherche au CESSMA.
Vendredi 12 janvier 2024, 16h-18h, salle 6 (centre Panthéon)
Yves Meinard, L'invasion des hybrides
Les espèces exotiques envahissantes occupent une place de plus en plus importante, tant dans les sciences écologiques, qui voient se structurer et se développer la discipline de la biologie des invasions, que dans les politiques environnementales, qui consacrent des volets aujourd'hui majeurs à la lutte contre ces espèces, considérées comme des causes majeures d'érosion de la biodiversité et de perte de services écosystémiques. Cette inflation scientifique et politique du thème des espèces exotiques envahissantes suscite certaines critiques, qui pointent à juste titre l'ancrage normatif souvent inavoué de la notion, mais sont conceptuellement trop faibles pour ébranler le crédit scientifique dont jouissent les sciences des invasions et les politiques qui s'en revendiquent. Dans cette intervention, j'aimerais clarifier les débats qui se jouent autour des espèces exotiques envahissantes, en tâchant de tracer les contours des champs normatifs et positifs qui s'y entrecroisent, et en suggérant des pistes pour une prise en main plus réflexive et rigoureuse des enjeux des invasions biologiques.
Vendredi 9 février 2024, 16h-18h, salle 6 (centre Panthéon)
Laurine Wagner, Art-relais : catalyser, expérimenter et transformer
Lors d’une rencontre, l’art-relais est un moyen de catalyser des croisements d’informations qui peuvent émerger à partir de questionnements multiples. La création peut être un moteur pour expérimenter mais aussi une possibilité de récolter des données, des témoignages par exemple, en lien avec une thématique précise, pour ensuite les traiter en prenant du recul. De la perception à l’action, par l’expérience artistique, nous pouvons, en tant qu’artiste, participant·e·s et/ou spectateurs·trices nous trouver transformé·e·s. Cette transformation peut correspondre pour l’artiste-chercheur·euse à des allers-retours entre création et recherche, une méthode aux déplacements significatifs, voire révélateurs.
Vendredi 8 mars 2024, 16h-18h, salle 6 (centre Panthéon)
Mara Magda Maftei, Critères et méthodes dans la fiction indexée à l’environnement
Cette intervention se propose d’aborder plusieurs pistes de réflexions. Le contexte est celui que nous connaissons : l’universalité d’un récit façonné par une nouvelle théorie critique qui n’est plus corrélée à une idéologie politique, mais à une idéologie déterminée par la suprématie de la technoscience avec des répercussions sur les problèmes climatiques.
La création littéraire indexée à ce réel et qui se ne rapporte donc plus à un futur décontextualisé, énonce ses propres méthodes (elle est très documentée, fait usage d’enquêtes, de démonstrations, stipule des hypothèses par le biais des personnages issus de la coexistence des vivants et d’entités partiellement appréhendées en référence au vivant, extrapole sur des concepts et des préoccupations scientifiques de l’anthropologie prospective, des philosophes des sciences et des techniques).
Les maisons d’éditions publient de plus en plus de romans écrits dans ce réseau intertextuel et interdisciplinaire. Cette vérité référentielle exige-t-elle des critères de jugement esthétique qui transgressent les particularités narratives imposées par différents régimes d’historicité continuant de séparer l’Europe en deux ? Les exemples choisis pour cette intervention relèvent d’un corpus contemporain roumain et français.
Critique littéraire et essayiste, professeure des universités (École doctorale des Lettres, - Université de Bucarest), HDR (Université Paris Nanterre), chercheuse associée du Laboratoire d’anthropologie politique (UMR 8177, CNRS/EHESS), où elle co-anime les rencontres « Formes de vie post-humaine. Perspectives critiques et socio-philosophiques », Mara Magda Maftei a récemment publié Fictions posthumanistes (Paris, Hermann, 2022) et codirigé l’ouvrage Les Récits du posthumain (Paris, Presses Universitaires du Septentrion, 2023) : lien page personnelle : http://magda.maftei.free.fr/
Vendredi 19 avril 2024, 16h-18h, salle de NOSOPHI
Michael LIVERMORE (université de Virginie, USA), The political economy of cost-benefit analysis, over the years
Cost-benefit analysis (CBA) is an important techno-governance methodology that is used by decisionmakers to evaluate public policy in a wide range of domains. CBA has been particularly influential in the United States, where presidents have for decades required that all major regulations pass a cost-benefit test. Since its inception, CBA methodology has been affected by its institutional and political setting. An ironic feature of CBA in the U.S., however, is that the political valence of the method has shifted over time. What was once percieved as a neoliberal imposition by Republican administrations is now frequently used by environmental advocates and Democratic administrations to support the ecological transition. This talk will explore this history and its implication for our understanding of the role of politics, interests, and values in shaping the tools of technocratic governance.
La communication sera en anglais et sera suivie d'une discussion en français et/ou en anglais.
Centre Sorbonne, escalier K, entrée par le 14 rue Cujas, 75005 Paris, 2e ét. G.
Information et normes : des critères aux questions de méthode
La norme d'efficacité en économie normative et en éthique sociale est habituellement formulée en s'appuyant sur la promotion des valeurs ou aspirations des agents (critère de Pareto, critère de compensation de Kaldor-Hicks) ou sur la réalisation d'objectifs collectifs assumés (comme dans la Théorie de la justice de John Rawls ou lorsqu'on évoque l"efficience" dans de nombreux contextes pratiques).
Dans ce contexte, la neutralité du traitement de l'information est habituellement présupposée et elle est importante. En effet, la bonne promotion des objectifs est souvent tributaire de l’exploitation rationnelle du contenu informatif des données, et l'efficacité des tests statistiques utilisés importe, par exemple.
L’aspiration à la neutralité, très sensible dans l'irruption des thèmes "climatiques" dans les débats normatifs, se décline de différentes manières :
- la dépolitisation ; une grande neutralité axiologique ; une indépendance aussi grande que possible par rapport au point de vue de l'auteur des analyses, du discours ou du conseil
- la proximité avec un noyau incontestable de connaissances
- la mise à disposition de bases de données neutres, indépendantes, exogènes, non déterminées.
Cette aspiration se heurte à des tensions. Dans ce contexte, l’analyse critique de l'information - tributaire d'objectifs qui étant difficilement "neutres" ne sont pas incontestables - et des biais engendrés par sa construction, est fondamentale.
À travers des exemples concrets et en croisant différentes approches méthodologiques et expertises, en mobilisant une épistémologie des sciences pour aborder les allers-retours entre objectifs/normes et validation empirique sur données, ce séminaire a pour objectif d'étudier cette complexité du rapport à l’information, aux sources, à leur véracité, à leur traitement dans le maniement de normes qui en dépendent.
On s'intéressera aussi aux approches artistiques ou fictionnelles et à leur capacité à mettre en perspective des informations d'une manière qui révèle des injustices, inefficacités, ou écarts par rapport à un idéal. Par exemple, les romans de Balzac, de Zola ou de Dickens nous intéressent en tant qu'œuvres de fiction mais ils retiennent aussi l'attention pour ce qui est de l'information économique et sociale sur les pratiques, les modes de vie et de subsistance, les réseaux dans la société, etc. On peut se demander alors dans quelle mesure le caractère "significatif" reconnu aux œuvres de création est le signal d'une valeur informative éminente ou d'un rapport à l'information qui se qualifie comme spécialement intéressant à cause de la mobilisation de normes.
On peut s'interroger aussi sur la nature des "avertissements" que l'on trouve dans les créations littéraires. Comment les écrivains se saisissent-ils des enjeux et des dangers de l'exploitation de la nature et des postures de supériorité face à un "environnement", de l’enthousiasme immodéré pour "le progrès", des attitudes face aux migrations liées à l'environnement, etc. ?
La création littéraire peut être interrogée en tant que répertoire de formes de mobilisation de l'information ou des signaux, et de formes de leur traitement dans la vie sociale ou dans l'organisation collective. Dans les débats contemporains sur le "catastrophisme" climatique, le clivage entre différentes mobilisations de la temporalité (dans l'alternative culturelle entre "courants apocalyptiques" et "courants post-apocalyptiques" notamment) ne se reflète-t-il pas dans les créations littéraires associées à l'angoisse climatique: attente de catastrophes ou explorations de catastrophes considérées comme déjà amorcées ou "en route" ?
Au-delà de la création littéraire, et notamment dans le champ des créations paysagères et dans les arts plastiques, la pertinence reconnue aux créations dans un contexte culturel et historique donné n'est-elle pas associée à quelque degré à la valeur informative ? Et plus précisément, à ce type de valeur informative qui tient à l'aptitude à transmettre une information utile pour la mobilisation des normes ou critères que l'on estime importants ?