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Colloque

Pour une littérature du care

Argument

Agent politique et opératrice de transformation sociale, la littérature l’est autant par son rôle dans les processus de saisie de soi et d’émancipation personnelles qu’en tant que forme de savoir et pratique attentionnelle. L’émergence des humanités médicales, l’invitation des écrivains dans les hôpitaux ou les maisons de retraite, les récits consacrés aux diverses formes de la vulnérabilité (de tout un chacun) et d’invisibilité contemporaines sont autant de signes de ce tournant relationnel qui conduit à décrire un vaste pan la littérature à travers le vocabulaire du care. « Admirable énergie dans l'obstination de la douceur », notait Anne Dufourmantelle en citant Platon : qu’il s’agisse de mettre en scène le soin, de le procurer par la littérature ou d’inventer des dispositifs d’écriture ou de lecture dans les espaces du soin, le care est raconté et même produit par la littérature. Les œuvres littéraires et théâtrales sont nombreuses où en tant que lecteur.rice ou spectateur.rice, nous sommes confronté.e.s à ce que, dans l’éthique du care, on appelle « souci des autres », « sollicitude », « vulnérabilité », « interdépendance » des personnages mis en scène dans leur « relationalité ».

Force est de constater que la littérature et les arts ont investi le terrain du care avant même sa théorisation. Force est aussi de constater à quel point nombre de créateur.rice.s contemporain.e.s ont souhaité faire des ateliers d’écriture, des résidences ou des rencontres avec leurs lecteurs des lieux où se produit du care à travers l’hypothèse d’une médiation réparatrice de la poésie et de la fiction. Force est enfin de constater que le pouvoir de dévoilement ou de redescription de la littérature lorsqu‘elle s’intéresse aux minorisé.e.s ou aux invisibles est de plus en plus associé à l’idée d’un soin langagier, narratif ou symbolique. Or, si, d’un commun accord, on fait remonter la problématisation de la notion de care à l’étude séminale In a Different Voice (1982 ; trad. fr. Une voix différente, 1986 et 2008) de Carol Gilligan puis à son versant politique avec Joan Tronto (Moral Boundaries, 1993, trad. fr. Un monde vulnérable, 2009) ; si, dans la foulée des interrogations soulevées par la fondatrice de l’éthique du care en termes de jugement moral qui serait différent entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, la pensée du care a rapidement essaimé quasi en même temps dans d’autres champs – en philosophie (Nel Noddings, Martha Nussbaum, Fabienne Brugère, Cynthia Fleury, Marie Garrau), en études politiques (Joan Tronto, Patricia Paperman, Caroline Ibos, Sophie Bourgault), en sociologie et psychologie sociale (Pascale Molinier, Helena Hirata, Aurélie Damamme), cette problématique reste émergente, voire négligée, en littérature et plus généralement en esthétique, malgré les travaux de Marjolaine Deschênes, d’Amelia DeFalco, de Dominique Hétu et de Maïté Snauwaert. Ce colloque s’intéressera à la fois aux œuvres abordant le care dans ses dimensions pratiques et affectives, y compris les œuvres des siècles précédents (une partie des débats sera consacrée au « care avant le care »), aux dispositifs littéraires performant le care, comme aux approches théoriques rattachant la lecture et l’écriture aux processus de care.

Programme

Lundi 25 octobre 2021

  • 9h15 Accueil des participant.e.s
  • 9h30 Mot d'ouverture : Sandra Laugier, Alexandre Gefen et Andrea Oberhuber

Le care avant le care 1

Présidence : Éléonore Reverzy

  • 9h50 Barbara Formis (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, École des Arts de la Sorbonne), « Le peintre de la vie moderne comme citoyen vulnérable »
  • 10h20 Silvia Ricca (Université de Lorraine), « "Et cet état fragile et vil": fragilité et caring attitude chez Giacomo Leopardi »

Pause (10 minutes)

  • 11h Charles Plet (Université de Montréal et Sorbonne Nouvelle), « Littérature catholique, littérature du care ? Le second XIXe siècle en question »
  • 11h30 Clément Girardi (Sorbonne Université), « Giraudoux bergsonien? Littérature et soin dans le moment de l'esprit »

Pause midi

Le care avant le care 2

Présidence : Andrea Oberhuber

  • 14h Patrice Vibert (Lvcée Marcel Sembat), « Germinie et Célestine : ou comment se libérer du care par la débauche ? »
  • 14h30 Jérémy Champagne (Université de Montréal), « Une écriture care entre soi et autres : Colette et les "monstres" du Pur et de l'impur »

Pause (10 minutes)

  • 15h10 Mamadou Faye (Université Cheikh Anta Diop de Dakar), « Le Hussard sur le toit et L'Homme qui plantait des arbres de Giono, deux récits avant-gardistes du care »
  • 15h40 Karine Gros (Université Paris-Est Créteil), « Du duel au dual : la correspondance du care : Simone Weil et Joe Bousquet »

Pause

  • 16h30 Rencontre avec l'écrivaine Gisèle Pineau : « Prendre soin, écrire le soin » ; modération Alexandre Gefen et Andrea Oberhuber

Mardi 26 octobre 2021

Travail de care et de deuil - médecine narrative

Présidence : Alexandre Gefen

  • 9h30 Isabelle Galichon (Institut de Médecine Intégrative et Complémentaire, Université de Bordeaux-Montaigne), « La littérature en médecine narrative - une expérience (du) sensible »
  • 10h Loic Bourdeau (University of Louisiana at Lafayette), « Écrire et panser la violence gynécologique et obstétricale avec Camille Laurens »

Pause (10 minutes)

  • 10h40 Géraldine Chouard-Véron (Université Paris Dauphine), « Réparer le père. L'écriture comme soin palliatif dans Patrimony. A True Story (1991), de Philip Roth »
  • 11h10 Cathy Dissler (Université d'Angers), « La relation d'aide dans les récits de filiation consacrés à un parent âgé en institution : récit du care et care du récit »
  • 11h40 Delphine Delga-Leleu (Université de Nanterre), « Dans la maison des morts. Faire entendre les voix disparues : deuil et pratiques attentionnelles dans Comment j'ai vidé la maison de mes parents de Lydia Flem et Avant que j'oublie d'Anne Pauly »

Pause midi

Communauté de femmes : souci de l'autre, souci de soi

Présidence : Tiphaine Samoyault

  • 14h Jennifer Boum Make (Georgetown University), « Penser le passé colonial et le care avec Gisèle Pineau et Marie-Célie Agnant »
  • 14h30 Méliné Kasparian-Le Fèvre (Université de Bordeaux-Montaigne), « "I wonder if Emily Dickinson's Irish housekeeper wrote poetry" : Les travailleuses du care dans la littérature chicana contemporaine »
  • 15h Pascale Joubi (Université de Montréal), « Dare to care : la littérature comme brave space »

Pause

  • 16h Table ronde « Récits de fin de vie » avec les écrivains Claire Fercak et Mathieu Simonet; modération Alexandre Gefen

Dîner du colloque

Mercredi 27 octobre 2021

Care et création

Présidence : Andrea Oberhuber

  • 9h30 Judith Deschamps (IRCAM/ArTeC), « La Mue Ou la re-subjectivation de soi par l'écriture et la performance d'un conte »
  • 10h Mélanie Perrier (Sorbonne Université/Laboratoire du Geste), « Incorporer le care grâce à une écriture chorégraphique plurielle »

Pause (10 minutes)

Présidence : Alexandre Gefen

  • 10h40 Cécile Neeser Hever (Université de Genève), « Caring (about) Ismene : réécritures contemporaines de l'Antigone de Sophocle »
  • 11h10 Nathalie Cau (Université Paris Nanterre), « Rejouer, représenter, réparer : les esthétiques du "reenactment" et la promesse d'avenir d'un passé guérissable »

Pause midi

Pe/anser les traumatismes, soigner le lien avec l'Autre

Présidence : Sandra Laugier

  • 14h Maëline Le Lay (CNRS/Thalim), « Des histoires d'amour pour panser les plaies de la guerre ? »
  • 14h30 Béatrice Lefebvre-Côté (Université de Montréal et Sorbonne Nouvelle), « Un espace utopique entre soi, nous et les autres : Les Portes de Thèbes de Mathieu Riboulet »

Pause (10 minutes)

  • 15h10 Anne Rippa (Université de Helsinki), « Le rôle de l'empathie narrative dans la littérature du care »
  • 15h40 Stéphanie Proulx (Université de Toronto), « Soigner, aimer de Ouanessa Younsi : une tentative de redéfinir la relation de soin »

Mot de clôture

Informations pratiques

Du lundi 25 octobre au mercredi 27 octobre 2021

Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (ISJPS)

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Centre Lourcine

1, rue de la Glacière

75013 Paris

Bâtiment 1, 2e étage, salle de séminaire 13 (entrée par l’escalier sud)


Colloque organisé par Alexandre Gefen (CNRS-Université Sorbonne nouvelle), Sandra Laugier (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Andrea Oberhuber (Université de Montréal)