La législation gouvernementale : quelles légitimités ?
Présentation
La législation gouvernementale – c’est-à-dire l’exercice par l’Exécutif de fonctions primaires de législation – est au cœur des pratiques constitutionnelles et de la vie politique depuis le début du XXe siècle. Depuis 1958, elle dispose d’un fondement constitutionnel formel – les articles 16, 37, 38 et 92 de la Constitution – et le fait majoritaire en a paradoxalement entretenu voire accentué l’usage. Malgré un contexte politique susceptible d’en faire varier l’intensité, la pratique demeure à ce jour l’un des symptômes les plus caractéristiques de la « démocratie exécutive » à la française.
En dépit de son fondement constitutionnel formel, la légitimité – c’est-à-dire l’acceptabilité – de la législation gouvernementale est loin d’être évidente. La République
parlementaire en France s’est en effet bâtie dans l’exaltation des « principes de 1789 » et le rejet du pouvoir personnel. Dans l’idée républicaine, l’expression de la volonté générale s’incarne dans la délibération publique de la loi par la nation assemblée. La législation gouvernementale – ces « bureaux qui gouvernent » (R. de Jouvenel) – a donc fait longtemps figure de « hantise » : l’opposition aux décrets-lois en 1924, l’article 13 de la Constitution du 27 octobre 1946, le rejet du système des articles 34, 37, 38 et 41 par l’Assemblée générale du Conseil d’État en août 1958, l’arrêt Canal de 1962, le mouvement social contre les ordonnances Pompidou en 1967 (en parallèle d’une motion de censure échouant à 5 voix près) portent les traces de ces représentations.
La période la plus récente n’est pas exempte de cette crise de légitimité de la législation gouvernementale : l’augmentation du recours à l’article 38, l’effondrement du taux
de ratification des ordonnances, la jurisprudence « Force 5 » du Conseil constitutionnel, la proposition de loi constitutionnelle adoptée au Sénat en novembre 2021 garantissant le respect des principes de la démocratie représentative et de l’État de droit en cas de législation par ordonnance, la récurrence des promesses politiques de limiter le recours aux ordonnances (ou aux décrets d’avance en matière budgétaire) sont les témoignages des tensions qui traversent ces pratiques.
La législation gouvernementale : quelles légitimités ? Le colloque entend s’intéresser non seulement aux textes et aux pratiques (les discours du droit), mais aux représentations et aux narrations (les discours sur le droit) qui structurent l’acceptation de la législation gouvernementale dans notre constitutionnalisme républicain. La réflexion sera menée, sous la forme de tables rondes, en deux parties, La première partie de la journée abordera la légitimité sous l’angle des justifications pratiques et théoriques de la législation gouvernementale.
La seconde partie de la journée abordera la légitimité par « l’encadrement de la législation gouvernementale ». Elle vise à appréhender (de lega lata) et à évaluer (de lege ferenda) les garanties de légitimité, non seulement démocratiques et libérales, mais techniques, organisées par le système juridique, de recours à la législation gouvernementale. Ces garanties existent-elles et sont-elles suffisantes ?
Toutes ces questions devraient finalement permettre de clarifier le juste usage de la législation gouvernementale à l’heure de la crise de la démocratie exécutive : en quoi et à quelles conditions demeure-t-elle aujourd’hui légitime dans la conduite de la politique de la Nation ?
Programme
9 H 30 – Propos d'ouverture
Agnès ROBLOT-TROIZIER, Directrice de l’École de droit de la Sorbonne
Julien PADOVANI, Maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Florian POULET, Professeur à l’Université d’Evry Paris-Saclay
Émilien QUINART, Maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
9 H 45 – Introduction générale
Heurs et malheurs de la législation gouvernementale
Yves GAUDEMET, Professeur émérite de l’Université Paris-Panthéon-Assas, membre de l’Institut
10 H 15 – Première partie. Justifier la législation gouvernementale
Table ronde présidée par Bertrand MATHIEU, Professeur émérite de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Jeanne DE GLINIASTY, Maître de conférences à l’Université Paris-Nanterre
Pascale GONOD, Professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Mathilde HEITZMANN-PATIN, Professeur à l’Université du Mans
Jérôme HENNING, Professeur à l’Université Toulouse Capitole
Xavier MAGNON, Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
12 H 30 – Pause déjeuner
Deuxième partie – Encadrer la législation gouvernementale
Tables rondes présidées par Olivia BUI-XUAN, Professeure à l’Université d’Evry Paris-Saclay
14 H 15 – La formalisation procédurale
Gabrielle BÉGUIN, Doctorante à l’Université Paris-Nanterre
Aurélie BRETONNEAU, Conseillère d’État, Directrice, adjointe à la Secrétaire générale du Gouvernement
Jean-François KERLÉO, Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
15 H 45 – Pause
16 H – Le contrôle
Mathieu CARPENTIER, Professeur à l’Université Toulouse Capitole
Benjamin DEFOORT, Professeur à CY Cergy Paris Université
Agnès ROBLOT-TROIZIER, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
17 H 30 – Conférence conclusive
La législation gouvernementale et les mutations contemporaines de l’Exécutif
Guillaume DRAGO, Professeur à l’Université Paris-Panthéon-Assas
Informations pratiques
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, centre Panthéon
12, place du Panthéon, 75005 Paris
Salle 6
Inscription : laurence.le-lay@univ-paris1.fr
Colloque organisé sous la responsabilité scientifique de Julien Padovani, Florian Poulet et Émilien Quinart