
Codification(s) et droit(s) des outre-mer
Présentation
En outre-mer, la sémantique du code renvoie immédiatement à sa dimension historique, spécialement à la période coloniale avec le « code » noir puis, ensuite, le « code » de l’indigénat. Bien que ces derniers ne soient pas, au sens technique, de véritables codes, ils ont été l’un des moyens juridiques de l’exclusion et de la domination des peuples colonisés. Plus encore, la codification, cette fois au sens moderne, a été un outil du colonisateur dans l’entreprise d’organisation et de transformation des droits locaux applicables dans les colonies. Aujourd’hui, les outre-mer abordent la codification dans sa dimension contemporaine, comme un outil juridique au service du développement politique et socio-économique de leur territoire. L’entreprise codificatrice porte en effet en elle une dimension symbolique et politique (que l’on songe au code civil) mais aussi, et peut-être désormais surtout, une dimension technique, afin d’assurer l’exigence de sécurité juridique, i.e. l’accessibilité et la prévisibilité du droit. Loin d’échapper à ces enjeux, les outre-mer français y sont confrontés de manière amplifiée. Le choix des matières codifiées par les autorités nationales, voire par les autorités locales, répond avec une plus ou moins grande justesse aux enjeux politiques, économiques et sociaux qui animent les territoires ultramarins. De même, l’accessibilité au droit, rendue particulièrement difficile du fait l’écheveau des compétences normatives, est une question de première importance, plus encore que dans l’Hexagone.
L’étude de la codification des droits ultramarins, prise dans sa double composante de processus et de résultat de celui-ci, apparaît dès lors essentielle. Cette analyse est d’autant plus nécessaire que les revendications contemporaines allant vers plus d’autonomie des outre-mer devraient accroître la particularisation des droits applicables outre-mer, dans le cadre de statuts « à la carte ». La codification y connait d’ailleurs certaines particularités. Elle est d’abord confrontée aux principes de spécialité et d’identité législative. Du point de vue de la légistique, leur maniement reste délicat lorsque l’État décide de codifier une matière dont les dispositions sont (ou non) applicables, et ce de manière variable, dans les différents outre-mer. Ensuite, les autorités codificatrices sont très diverses. Aux autorités nationales classiques (Parlement et Gouvernement), qui jouent évidemment un rôle essentiel, s’ajoutent les autorités locales dans les territoires disposant d’une autonomie normative avancée (par ex. la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie). Des codifications locales peuvent ainsi survenir dans les domaines ayant fait l’objet de transferts de compétence. À cette occasion, les outre-mer sont parfois des lieux d’innovation, pouvant inspirer le droit hexagonal (par ex. le code des finances publiques de la Polynésie française).
Néanmoins, l’articulation des compétences des autorités locales entre elles et avec celles des compétences encore détenues par l’État vient accroître la complexité du processus de codification. Sans oublier, au-delà de l’aspect juridique, les difficultés matérielles auxquelles doivent faire face les territoires ultramarins, notamment en termes techniques et humains. Inhérents aux outre-mer, ces obstacles peuvent conduire à laisser de côté la codification de certaines matières, dont l’intérêt pratique pour le justiciable et le citoyen est pourtant essentiel. En guise de palliatifs, émergent parfois quelques codes non officiels, dont le code des entreprises outre-mer ou le code civil de la Polynésie française sont deux illustrations suggestives. Ajoutons que le pluralisme juridique reconnu dans certains outre-mer, traduisant de manière variable la place des coutumes autochtones, devrait être pris en compte dans la production des codes.
Ces questions donneront lieu à une journée d’étude croisant les points de vue d’universitaires spécialistes du droit des outre-mer et de praticiens, acteurs comme utilisateurs, des codifications.
Journée d’étude organisée sous la direction scientifique de Caroline Bouix, maîtresse de conférences en droit privé (université Toulouse Capitole) et Charles Froger, maître de conférences en droit public (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), en partenariat avec
- l’Institut de droit privé (IDP, Université Toulouse Capitole)
- le centre d’études et de recherches sur l’administration publique de l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (CERAP, ISJPS, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et CNRS)
- l’Association des juristes en droit des outre-mer (L’AJDOM).
Programme
Matinée
8 h 45 Ouverture
Micheline Jacques, sénateur de Saint-Barthélemy, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer
9 h Retour sur les codes coloniaux
Florence Renucci, directrice de recherche au CNRS en sociologie et sciences du droit
9 h 30 Les codifications en outre-mer : de quoi parle-t-on ?
Charles Froger, maître de conférences en droit public, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Caroline Bouix, maîtresse de conférences en droit privé, Université Toulouse Capitole
10 h La codification face aux principes d’identité et spécialité normatives
Loïc Peyen, maître de conférences en droit public, Université Toulouse Capitole
10 h 30 Débat et pause
11 h Pallier l’absence de code officiel : l’exemple de la codification privée du droit civil en Polynésie Française
Sandrine Chaillé de Néré, professeure de droit privé, en délégation à l’Université Polynésie Française
11 h 30 Codification et peuple autochtone : l’exemple du code du l’environnement de la Province des îles Loyauté en Nouvelle-Calédonie
Carine David, professeure de droit public, Aix Marseille Université
12 h Débat
Après-midi
14 h Table ronde – Fabrique et pratique des codes
Présidente : Véronique Bertile, maître de conférences en droit public, Université de Bordeaux
- Micheline Jacques, sénateur de Saint-Barthélemy, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer
- Olivier Jacob, directeur général des outre-mer, Ministère chargé des outre-mer
- Romain Leatham, collaborateur parlementaire, Assemblée nationale, docteur en droit
- Patrick Lingibé, avocat au Barreau de Guyanne
- Florian Roussel, maître des requêtes au Conseil d’État, rapporteur spécialisé aux outre-mer de la Commission supérieure de codification
- Edwin Matutano, avocat au Barreau de Paris, docteur en droit, chargé d’enseignement à l’Université Paris-Saclay (Saint-Quentin-en-Yvelines)
- Thierry Pitois-Etienne, magistrat judiciaire, président du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre
16 h 30 Débat et pause
17 h Propos conclusifs
Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit public, Université de Bordeaux, président de l’Association des juristes en droit de outre-mer
Informations pratiques
Sénat – Palais du Luxembourg
15 ter rue de Vaugirard, 75006 Paris
Sous-sol, salle Clémenceau
Inscription gratuite mais obligatoire via le formulaire ci-dessous