Ciné-Money – Chaire Éthique et finance
Le cinéma peut-il nous dire quelque chose sur l’argent ?
L'argent, instrument de pouvoir, objet de désir ou de dégoût, essentiel en sociologie, en sciences politiques, en économie et pour les religions, constitue un sujet central pour le cinéma. La chaire Éthique et finance (FMSH-ISJPS) s'associe au Théâtre de la Reine Blanche pour proposer un cycle de projections autour de l'argent au cinéma. Les projections seront suivies par un diner convivial et savant au cours duquel Christian Walter, cotitulaire de la chaire Éthique et finance, analysera le film.
Programmation des films projetés au Théâtre de la Reine Blanche
- Dimanche 13 mars 2022 à 18h30 | Money Monster (2016) de Jodie Foster
- Dimanche 15 mai 2022 | L’argent (1983) de Robert Bresson
- (date à venir) | Wall Street (1987) d’Oliver Stone
- (date à venir) | L’argent des autres (1978) de Christian de Chalonge
Inscription : https://www.reineblanche.com/calendrier/cine-money/film-du-07-mars
Théâtre de la Reine Blanche
2bis passage Ruelle, 75018 Paris
Présentation
Le cinéma peut-il nous dire quelque chose sur l’argent ? Et nous le dire autrement que les innombrables romans ou livres qui traitent déjà de ce thème, ou encore les savants travaux de la philosophie de l’argent, sans parler des discours sans fin des religions ou des morales laïques ? On fait le pari de donner à cette question une réponse positive. Pour cela, on considéra les films selon la manière de les voir introduite par le philosophe américain Stanley Cavell dans Le cinéma nous rend-il meilleur ? (Bayard, 2003).
Pour Cavell, le cinéma introduit à une morale de la vie ordinaire. C’est une morale qui n’est pas faite d’obligations qui semblent tomber d’un mystérieux ciel des valeurs ou de normes du « bien », mais qui part de la personne : une morale proche d’une fidélité à qui on est réellement. C’est une morale qui se veut proche de notre capacité de conversion quand nous sommes en interaction avec les autres. Comment favoriser cette conversion ? Par le cinéma ! Pour Cavell, le cinéma est un moyen de transformation morale de soi.
Comment est-ce possible ? Parce que certaines images ou certaines scènes des films nous touchent. Sans que nous sachions très bien pour quelle raison. Mais nous sommes touchés. Soit par une attraction, soit par une répulsion. Ce fait d’être touché par les images produit une mise en mouvement de nous-mêmes. La philosophe américaine Cora Diamond l’a théorisé : les images peuvent porter une pensée éthique, souvent mieux que des réflexions argumentées, car elles touchent à un niveau infra-rationnel, caché par la raison. Or le cinéma est un lieu privilégié où l’on peut voir des images. Ainsi le cinéma favorise une « éducation morale », une fonction du cinéma que le philosophe Hugo Clémot a joliment qualifiée de Cinéthique (Vrin, 2018, interview ICI).
Tout le monde éprouve le risque du non-sens dans sa vie, un risque en fait inhérent à notre condition humaine. Il arrive que ce non-sens devienne envahissant, et conduise à un scepticisme généralisé sur l’existence. Le cinéma peut nous aider à vaincre ce scepticisme car les images expriment nos difficultés à être les auteurs de nos vies, comme l’a analysé Élise Domenach dans Stanley Cavell, le cinéma et le scepticisme (PUF, 2011). Quel que soit leur genre (grand public, policier, espionnage, science-fiction, comédie, tragédie, classique, art et essai etc.), les films posent des questions philosophiques qui concernent notre vie de tous les jours, notre vie ordinaire en nous aidant à reconnaître notre scepticisme face à la vie.
Aujourd’hui, qui ne s’est pas trouvé confronté au problème de l’argent ? Quoi de plus emblématiquement énigmatique et éthiquement problématique, avec tout son cortège d’émotions positives ou négatives, que la question de l’argent, dans une société où se mélangent grande richesse et grande pauvreté, inégalités extrêmes et injustice sociale etc. Le cinéma pourrait-il nous aider à redéfinir notre rapport à l’argent ? À opérer une conversion sur l’argent ?
Ce cycle de projections « CinéMoney » ne cherchera pas à illustrer des théories économiques ou morales sur l’argent, ou à proposer des remèdes politiques, en utilisant les ficelles narratives de l’histoire, un procédé factice qui ferait un usage scolaire et ennuyeux du cinéma dans le genre « Platon c’est ennuyeux mais avec le cinéma c’est mieux ! ». « CinéMoney » proposera au spectateur de se laisser toucher par les images, de se perdre dans le film pour s’y retrouver et se retourner sur soi. Après la projection aura lieu un débat sur le film à partir des émotions qu’il aura suscitées, en faisant appel aux compétences morales de tous.
Pour rester dans l’esprit de Cavell, on ne choisira pas nécessairement des classiques du cinéma, mais des films populaires ou à succès commercial, dont la dimension pédagogique et éthique est aujourd’hui avérée en raison du répertoire d’expériences multiples et de formes de vie variées qu’ils présentent, comme l’a récemment montré Sandra Laugier pour les séries télévisées dans Nos vies en séries (Flammarion, 2019).
Ainsi CinéMoney se propose de poursuivre le travail commencé par Cavell en direction du thème de l’argent.