Revue Critique 934
In vino veritas ?
En 2025, les vignobles sont en crise. En France comme à l’étranger, ils sont toujours plus nombreux à envisager des mesures d’arrachage pour rééquilibrer un marché menacé par la surproduction de vin. Est-ce là le signe d’un grand réajustement économique où la qualité viendrait enfin primer sur la quantité ? Loin de laisser le dossier aux seuls économistes et autres consultants, Critique a choisi de poser la question des philosophes.
« In vino veritas ? » Rabelais ou Kierkegaard ont écrit des traités à son sujet. Mais quelle est donc la vérité dont le vin est porteur ? Dans l’entretien qu’ils nous ont accordé, Pierre-Yves Quiviger et Laurent de Sutter reprennent la question. Le premier mise sur la dégustation et a récemment proposé une « philosophie du vin » que commente ici pour nous Sylvia Giocanti ; le second réfléchit sur l’ivresse et ses vertus, et plaide, sous le titre « On a assez dégusté », pour un « boire » qui outrepasse toute expertise. Alors que faut-il pour aimer le vin : du goût ? de l’imagination ? ou bien une connaissance intellectuelle ?
Le vin et l’ivresse apparaissent comme deux moyens de dépasser l’expérience ordinaire et de créer des espaces de convivialité. C’est également ce qui intéresse Claire Crignon qui fait la critique des sévères apôtres du « janvier sec » : cette austère sobriété que partout l’on prône, elle est bien le contraire d’une saine ébriété ! Le vin serait-il alors non le poison, mais le remède ? La vérité est qu’on ne sait plus ce que c’est que le vin, ni comment en parler. Produit par la fermentation des fruits de la vigne, il subit parfois tellement de traitements, reçoit tant d’ « intrants » chimiques qu’on a fini par perdre l’idée même de ce que peut être son véritable saveur. Alors, face aux hectolitres de piquette qui inondent le marché de leur senteur aromatisée à la mûre ou à la fraise, il est temps peut-être de remettre en avant une véritable connaissance du vin et ses artisans : plants, terroirs et paysans.